31-07-2009


Au cours de ses 27 années à Montréal, Ellen Corin, Ph.D., s'est penchée sur la psychologie et l'anthropologie, l'Occident et le monde en développement. Il existe un fil conducteur tout au long de sa carrière : l'important, c'est l'histoire des autres, et non la sienne.

L'aventure commence
Dans le cadre de son doctorat, elle a quitté le confort de la Belgique pour les villages isolés du Zaïre (maintenant appelé « République démocratique du Congo »), où son premier projet de recherche portait sur le rôle du père au sein du peuple matriarcal Yansi; afin de pouvoir échanger avec les hommes et les femmes du village, elle a appris leur langue, et elle a ainsi pu découvrir la façon dont ils se voyaient par rapport aux rituels, à la sorcellerie et aux relations familiales qui régissaient leurs vies. « Nous cherchions des ponts entre la médecine moderne occidentale et la médecine traditionnelle », explique-t-elle.

Découvrir le Québec… et le Douglas
En 1979, elle a accepté un poste au laboratoire de gérontologie sociale de l'Université Laval. Son travail l'a mise en contact avec la culture et la société du Québec, alors que sa participation au GIRAME (Groupe interuniversitaire de recherche en anthropologie médicale et en ethnopsychiatrie) a retenu l'attention de Gaston Harnois, M.D., qui l'a convaincue de se joindre à l'équipe du Douglas. Elle est entrée au Douglas sous la direction de N.P. Vasavan Nair, M.D., et a entrepris d'établir le Centre de recherche psychosociale. C'est à cette époque que sa recherche, toujours à caractère international, a commencé à porter sur la schizophrénie. « J'ai joui d'une grande liberté au Douglas, confie Ellen. Je suis très reconnaissante pour la tolérance à l'égard de mes demandes pas toujours orthodoxes. »

La « porte tournante » de la schizophrénie
À l'époque, précise-t-elle, à peu près la moitié des patients schizophrènes admis dans des hôpitaux du Québec, étaient réadmis quelques mois plus tard. « Il y avait cette porte tournante de gens qui entraient à l'hôpital et en ressortaient constamment. Je voulais trouver ce qui aide les patients à demeurer dans la société. Et ce qui les ramène à l'hôpital. » Ellen explique qu'à l'époque, les patients schizophrènes qui disposaient d'un solide réseau social – famille engagée et amis proches – s'intégraient mieux à la société que ceux qui étaient isolés. Mais Ellen Corin a constaté que de nombreux schizophrènes qui fréquentaient les parcs, les coins de rue et même les cafés, où ils se trouvaient en société, n'étaient cependant pas forcés de s'y engager.

Parallèlement à ce travail, elle participait à des études en Abitibi, au Brésil, en Afrique subsaharienne et en Inde, sur la maladie mentale et la vie communautaire. Essentiellement, elle tentait de découvrir la façon dont les patients atteints de maladies mentales voyaient leur propre expérience et la façon dont les membres de leur société réagissaient face à eux, afin d'adapter les programmes locaux à leur situation. Le pronostic pour les patients schizophrènes est meilleur dans certaines sociétés que dans d'autres; par exemple, Ellen croit que le milieu très religieux de l'Inde peut être une bénédiction pour les patients. Mais quelles qu'aient été ses intuitions, et où qu'elle ait travaillé, Ellen s'est assurée d'utiliser les systèmes de soutien tels qu'ils étaient, sans imposer ses méthodes aux collectivités.

Les « Impatients »
Comptant sur l'extériorisation des patients pour comprendre leurs besoins, il était naturel qu'Ellen se soit engagée, au cours des dernières années, avec les « Impatients », un centre qui incite les patients atteints de maladie mentale à s'exprimer au moyen de l'art.. Ellen Corin n'a pas l'intention de cesser de travailler, même à la retraite. « La maladie mentale est universelle, et la psychose est universellement effrayante, dit-elle. Étudier la schizophrénie, à grande échelle, au niveau mondial, ne nous aide pas uniquement à comprendre la maladie, mais à nous comprendre nous-mêmes.

Mark Reynolds