Un peu d'histoire

Certaines des premières publications démontrant l'existence de rythmes circadiens proviennent d'études sur les plantes. En 1729, le scientifique Jean-Jacques d'Ortous de Mairan a mené une expérience toute simple : en gardant une plante dans l'obscurité, il a noté que l'ouverture et la fermeture des feuilles, changements caractéristiques survenant le jour et la nuit, étaient observées même si la plante n'était pas exposée au soleil.

Avant cette expérience, on pensait que c'était les variations de lumière et d'obscurité de l'environnement qui engendraient ces effets. Toutefois, cette expérience démontre qu'un facteur autre que l'environnement de la plante, possiblement un élément interne, pourrait expliquer ce phénomène.

Des rythmes de 24 heures


Le mot circadien provient des termes latins, circā (environ) et dies (journée). Aujourd'hui, le terme est utilisé pour qualifier les évènements biologiques qui ont lieu de façon périodique toutes les 24 heures.

Les premières études ont montré que des individus isolés durant plusieurs semaines du cycle environnemental de lumière et d'obscurité de 24 heures continuent de maintenir un cycle où le repos (sommeil) et l'activité (éveil) alternent sur une période approximative de 24 heures. La persistance du cycle veille/sommeil, en l'absence de changements quotidiens de l'environnement, suggère que l'être humain a une horloge biologique interne qui influence son comportement.

Les rythmes circadiens sont décrits comme étant endogènes, c'est-à-dire qu'ils sont générés à l'intérieur de notre corps par un mécanisme temporel interne : l'horloge circadienne.

Chez l'humain, plusieurs rythmes circadiens sont observés tels que ceux de :

  • la température corporelle
  • des hormones (cortisol, mélatonine)
  • du rythme cardiaque
  • du niveau d'éveil
  • de l'humeur
  • de la vigilance
  • de la mémoire
  • du corps

Les cycles de veille / sommeil

L'alternance périodique entre veille et sommeil est le rythme le plus facile à observer. Chez les individus normaux qui sont actifs et travaillent pendant la journée, deux processus interagissent pour les maintenir éveillés pendant à peu près 16 heures et endormis pendant à peu près 8 heures.

  • un processus homéostatique: la pression à s'endormir s'accumule au cours de la période d'éveil. En d'autres mots, plus vous êtes resté éveillé(e) longtemps, plus vous aurez envie de dormir.
     
  • un processus circadien: de puissants signaux physiologiques favorisant l'éveil et le sommeil s'exercent à des moments spécifiques de la journée. Certains moments de la journée sont plus propices pour dormir et d'autres pour rester éveillé(e).

L'interaction entre ces deux processus explique pourquoi il y a autant de travailleurs de nuit qui ont des problèmes à dormir. Ainsi devoir dormir à des moments où l'oscillateur circadien favorise l'éveil peut conduire à des périodes de sommeil plus courtes et perturbées.

L'âge

De l'enfance à la vieillesse, l'oscillateur circadien change et affecte les habitudes de sommeil. En réponse à des signaux envoyés par l'horloge interne, les adolescents peuvent avoir une préférence à se coucher et se lever tard. Lorsqu'on avance en âge, on voit apparaître le phénomène inverse : le coucher et le lever se font plus tôt et le sommeil devient plus léger. Fait intéressant, les animaux de laboratoire qui ont subi une mutation des gènes de l'horloge présentent non seulement des rythmes circadiens altérés mais aussi des signes prématurés de vieillissement.

La température corporelle

La température corporelle centrale suit également un rythme circadien : en fin de soirée, la température est facilement d'un degré Celsius de plus que le matin. En fait, le contrôle de la perte de chaleur à travers le corps suit un rythme circadien, associé de près au sommeil et à la somnolence. Au coucher, des capteurs de température peuvent détecter un déclin graduel de la température corporelle centrale et une perte de chaleur par les extrémités (ex : mains et pieds) lesquels sont étroitement associés au début de l'endormissement. Des niveaux maximum de somnolence, habituellement observés juste avant l'aube, coïncident avec le minimum de la température corporelle centrale.

La production hormonale

Certaines hormones sont associées de plus près à l'horloge biologique que d'autres. La mélatonine présente un rythme circadien prononcé qui culmine pendant la nuit. Le cortisol affecte plusieurs fonctions du corps incluant le métabolisme et la régulation du système immunitaire. Ses niveaux sont à leur maximum au lever le matin et décroissent graduellement au cours de la journée pour atteindre un creux tôt dans la nuit.

Le système cardiovasculaire

Les crises cardiaques et les accidents cérébro-vasculaire (ACV) ont tendance à se produire d'avantage le matin qu'à n'importe quelle autre période de la journée. La tension artérielle augmente le matin et reste élevée jusqu'en fin d'après-midi; par la suite, elle diminue et atteint son niveau le plus bas au cours de la nuit.

La tolérance à la douleur

La tolérance à la douleur est plus élevée dans l'après-midi. Par exemple, les douleurs dentaires sont à leur plus faible en fin d'après-midi.

Le cycle menstruel

Les femmes rapportent souvent des changements dans leur sommeil au cours de leur cycle menstruel avec plus de perturbations juste avant les menstruations. La perturbation du sommeil est fréquente pendant cette période chez celles qui souffrent de trouble dysphorique prémenstruel. De façon intéressante, des changements dans le rythme circadien de la température corporelle surviennent durant le cycle menstruel et une perturbation de la production de mélatonine pourrait survenir dans ce trouble. Ceci a poussé les scientifiques à investiguer les bases biologiques de ces changements et la relation entre l'horloge biologique et le cycle menstruel.

La médication

Les scientifiques étudient la façon dont les rythmes circadiens affectent la prise de médicaments. Il a entre autre été découvert qu'on peut administrer moins d'anesthésiants en après-midi pour le même effet qu'avec une dose plus grande à un autre moment de la journée. Les différents tissus du corps humains ont leur propre horloge circadienne, donc un médicament administré aux mêmes doses à différents moments de la journée peut donner des effets différents. La chronothérapie harmonise les traitements avec les rythmes circadiens endogènes afin d'atteindre une efficacité maximale et réduire les effets secondaires. Par exemple:

  • Médication pour l'hypertension artérielle : Puisque les individus présentent des augmentations importantes du rythme cardiaque et de la tension artérielle dans les heures suivants l'éveil, ils sont plus susceptibles de subir une crise cardiaque ou un ACV le matin. Un médicament pris au coucher se retrouve dans la circulation sanguine des heures plus tard et sera le plus efficace au lever le matin au moment où la tension artérielle et le rythme cardiaque augmentent précipitamment. Lorsque la tension artérielle baisse le soir, la concentration du médicament diminue également.
  • Traitement pour le cancer : L'application de la chronothérapie à la chimiothérapie dans le traitement du cancer permet d'administrer des médicaments à des moments de tolérance maximale avec une toxicité minimale.
  • D'autres conditions peuvent être abordées par la chronothérapie telles que l'asthme, la fièvre des foins et l'arthrite rhumatoïde.
     

Ce contenu a été développé par Diane Boivin, M.D., Ph.D., directrice du Centre d'étude et de traitement des rythmes circadiens.

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