13-02-2008


Lors d'un séjour d'un an en Angleterre en 2008, Eric Latimer, Ph.D., a rédigé un blogue, un outil de réflexion et de partage sur l'efficience des services de santé mentale en Angleterre, au Canada et ailleurs dans le monde.


Il est bien reconnu que le travail joue un rôle important dans le rétablissement des personnes qui ont des troubles mentaux graves.  Dans mon premier article, j'ai esquissé les grandes lignes du fonctionnement du système de santé mentale en Angleterre.  Toutefois, je n'ai rien dit au sujet des services liés à l'emploi.

Au cours des dernières semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs personnes qui s'intéressent beaucoup à ce domaine, du Sainsbury Centre for Mental Health, et aussi de la ville de Maidstone, dans le Kent.

Le Sainsbury Centre for Mental Health est un organisme voué à la recherche en santé mentale, qui fait figure de chef de file dans le domaine de l'intersection entre emploi et santé mentale en Angleterre.

Le SCMH a publié plusieurs documents qui font le point, d'une façon qui me semble admirable par sa concision et sa clarté, sur ces questions.

En ce qui concerne les services d'intégration à l'emploi pour les personnes qui ont des troubles mentaux graves, le contexte n'est pas très différent du nôtre à certains égards: programmes d'insertion au travail gérés par des organismes communautaires, entreprises sociales (dont le nombre a beaucoup augmenté ces dernières années), programmes de jour dans les établissements.

En termes de politiques, la tendance lourde est de privilégier les programmes qui visent le retour à l'emploi.  Cela se concrétise de plusieurs façons, que je ne saurais toutes énumérer ici.  D'une part, les programmes de traitement de jour se font fermer assez systématiquement.  Ou encore, hier on m'a parlé d'un programme de réadaptation qui fournissait des emplois protégés dans le domaine du jardinage.  Les utilisateurs de services (c'est d'ailleurs l'expression qu'on utilise ici, "service users", plutôt que l'américain "consumers")  y restaient souvent pendant 10 ans ou plus.   On leur a dit: nous ne vous financerons plus que si vos clients sont des personnes qui déboucheront sur l'emploi régulier en l'espace de deux ans. Le résultat a été que le programme a beaucoup moins de clients qu'auparavant et cherche à redéfinir sa mission.

D'autre part, le gouvernement de plus en plus (et ici, d'après ce que j'en comprends,  le Sainsbury Mental Health Centre a joué un rôle important de promoteur) prône l'expansion de programmes de type IPS (Individual Placement and Support).  Plusieurs lecteurs connaîtront ce type de programme, qui existe depuis 2001 à l'Institut Douglas.  Dans mon prochain billet, je donnerai plus de détails sur comment ce type de programme peut s'intégrer au contexte anglais.

Suite du premier billet

Tel que signalé plusieurs fois dans les articles et billets précédents, le système de santé mentale (et santé en général) en Angleterre se distingue du nôtre en ce que les pratiques de soins primaires y jouent un rôle beaucoup plus central.

Cela implique que beaucoup de personnes qui ont des troubles mentaux graves, surtout dans les régions moins bien pourvues en ressources de santé mentale, ne sont suivies que par un médecin omnipraticien.

Or, la littérature montre clairement qu'il est important, pour favoriser l'intégration au travail des personnes qui ont des troubles mentaux graves, de faire en sorte que le médecin ou l'équipe clinique du client soit en lien étroit avec la personne qui s'occupe de l'aider à intégrer le marché du travail. (C'est un des principes du modèle de soutien à l'emploi IPS, principe solidement appuyé par la recherche.)

Comment faire en sorte qu'un tel lien étroit existe lorsqu'un client n'est suivi que par un médecin omnipraticien? Je ne vois pas vraiment de bonne solution, à moins de concentrer les personnes qui ont des troubles mentaux graves dans un nombre limité de pratiques de soins primaires.

Sinon il me semble qu'il faut, comme dans au moins certaines régions mieux pourvues telles que celle de Maidstone, dans le Kent, que les personnes qui ont des troubles mentaux graves continuent d'être suivies par une équipe de santé mentale. Lorsque c'est le cas, un psychiatre fait partie de l'équipe, et peut par exemple ajuster la médication suite à une conversation avec l'agent de soutien à l'emploi.

De même au Québec, où la réforme en cours vise à augmenter le rôle des médecins de famille dans les soins aux personnes qui ont des troubles mentaux graves et qui sont "stabilisées", nous risquons de rendre plus difficile un accès éventuel à des programmes de soutien à l'emploi efficaces pour ces personnes.