Lettre d'opinion de Dr David Bloom

29-06-2015


La semaine nationale de la santé mentale, qui s'est déroulée au mois de mai dernier, m'a permis de constater qu'il existe encore, en 2015, plusieurs tabous et idées reçues concernant les maladies mentales et certains traitements, notamment l'électroconvulsivothérapie (ECT), mieux connu sous l'appellation «électrochocs» ou encore «sismothérapie». Il me paraît donc important de faire une mise au point à ce sujet afin de bien renseigner la population.

Précisons tout d'abord que l'ECT est une solution de dernier recours pour les patients dont le mal de vivre est réfractaire à tous les types de médicaments qui traitent la dépression sévère et autres troubles de nature psychiatrique. C'est un traitement destiné à un nombre infime d'usagers. L'ECT est envisagé dans les cas où les symptômes dépressifs sont tels qu'ils peuvent conduire à un refus de s'alimenter ou de s'hydrater, pouvant représenter un risque suicidaire majeur.

Le but de l'ECT est de stimuler le cerveau en délivrant un courant électrique d'intensité variable, de façon à obtenir un effet comparable à celui des antidépresseurs. Contrairement à ce que l'on a pu voir dans certains films, les modalités ont grandement évolué, le cadre réglementaire étant beaucoup mieux défini. Les références aux films sur la vie d'Alys Robi ou encore Vol au-dessus d'un nid de coucou sont heureusement dépassées et ne correspondent en rien à la réalité moderne.

La recherche pour augmenter l'efficacité de l'ECT et pour en atténuer les effets secondaires est continue. Les pratiques actuelles sont validées par une grande partie de la communauté scientifique et sont appliquées sensiblement de la même façon, d'un établissement à l'autre. Dans tous les cas, il faut le consentement écrit du patient, d'un proche ou, ultimement, de la cour. L'anesthésie générale est systématique et de courte durée. L'anesthésiste administre aussi un relaxant musculaire pour éviter que le patient bouge et ne se blesse, comme cela pouvait arriver jadis. Une surveillance constante des signes vitaux (tension artérielle, battements cardiaques, taux d'oxygénation du sang) est exercée lors de la séance.

Dans la dignité

La planification de ces traitements ne se fait pas sans que le médecin explique au préalable les risques et les bénéfices liés à la sismothérapie. En aucun cas le patient est-il vu comme un sujet d'expérimentation! Cette intervention ne porte nullement atteinte à la dignité des personnes; elle vise au contraire à restaurer leur autonomie. Des témoignages reconnaissants de patients nous montrent d'ailleurs que l'ECT est salutaire.

Il est vrai que cette thérapie comporte aussi son lot d'effets indésirables, surtout au plan cognitif. Certains patients peuvent ressentir une confusion après le traitement, relever une atteinte à la mémoire, des désagréments qui durent rarement plus de six mois. Mais n'oublions pas que la dépression elle-même et l'anesthésie peuvent entraîner des troubles de la mémoire.

Il faut souligner avec force que jamais les recherches n'ont indiqué que la sismothérapie peut engendrer des troubles d'apprentissages, des déficits intellectuels ou, pire encore, provoquer la mort. Au contraire, pour les personnes abonnées au désespoir et aux idées suicidaires, l'ECT peut réduire significativement ou même éliminer les symptômes cliniques de dépression, pour une période donnée. Cette éclaircie dans le ciel ombrageux des troubles de l'humeur est non négligeable pour des patients habitués à vivre dans l'obscurité.