01-09-2005


D’ici cinq ans, Michael Meaney, Ph.D., du Centre de recherche de l’Hôpital Douglas, pourrait être en mesure d’expliquer comment nous pouvons mieux préparer nos enfants à affronter certains des défis qui les attendent. Les études menées par Michael Meaney sur des rats de laboratoire ont déjà permis d’en apprendre beaucoup à ce sujet. Les travaux du chercheur ont démontré que la caresse maternelle peut non seulement être réconfortante et agréable pour l’enfant, mais également activer ou désactiver les gènes du système de réaction au stress.

Michael Meaney explique que le léchage serait, chez le rat, l’équivalent de la caresse maternelle. Comme les humains, les rats ne se comportent pas tous de la même façon avec leurs petits; ainsi, certaines rates lèchent leurs petits davantage que d’autres. Le chercheur a démontré que, lorsqu’ils sont exposés au stress, les ratons qui sont souvent léchés par leur mère produisent moins d’hormone de stress, y compris les glucocorticoïdes.

Ces hormones sont libérées pour aider l’organisme à gérer un stress ou une menace. À court terme, le niveau de glucocorticoïdes augmente pour aider l’organisme à s’adapter au stress. Cependant, s’il est sollicité de manière répétée ou pendant une longue période, ce système de réaction au stress peut avoir des effets néfastes; on a même établi un lien entre le système et la maladie cardiaque, le diabète, une dysfonction du système immunitaire et la maladie mentale. Par ailleurs, si les glucocorticoïdes contribuent au bon fonctionnement de l’hippocampe, un centre cérébral associé à l’apprentissage et à la mémoire, on a constaté qu’une trop grande quantité de cette hormone nuit au bon fonctionnement de l’hippocampe et entraîne des troubles de mémoire. Cela étant, les ratons qui sont souvent léchés par leur mère sont plus calmes lorsqu’ils sont soumis à un stress et ils ont une plus grande capacité d’apprentissage que ceux dont la mère est moins portée à lécher.

Il semble que la stimulation associée au léchage entraîne une modification de la fonction génétique dans le cerveau des ratons. Pendant la gestation, les gènes qui favorisent le développement normal de l’embryon sont activés et désactivés par divers processus. Lorsqu’une rate lèche ses petits, elle active le gène qui favorise une réduction de la production de glucocorticoïdes dans une situation de stress.

Des rats aux humains

Qu’en est il chez les humains? Au cours des cinq prochaines années, Michael Meaney et ses collègues de diverses régions du pays tenteront de déterminer si certains comportements parentaux, comme la caresse, ont les mêmes effets sur l’ADN des nourrissons. Cette étude, baptisée projet MAVAN (Maternal Adversity Vulnerability and Neurodevelopment), est dotée d’un budget de 4 millions de dollars et financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, devrait fournir d’importantes données sur les effets des soins parentaux sur le développement de l’enfant.

Bien entendu, tous les parents n’agissent pas de la même façon avec leurs bébés. Par exemple, les mères qui souffrent de dépression grave peuvent avoir de la difficulté à créer des liens avec leur enfant et elles ont tendance à ne pas les cajoler autant que les autres mères. Michael Meaney et son équipe suivront l’évolution d’un groupe de mères dépressives tout au long de leur grossesse et ils compareront les données recueillies au cours des quatre prochaines années à un groupe témoin de mères non dépressives.

Toutes les femmes dépressives participant à l’étude recevront un traitement; or, des recherches antérieures ont démontré que le tiers des femmes peuvent ne pas réagir au traitement. Michael Meaney a démontré que les rates qui sont exposées à un stress pendant la gestation ont moins tendance à lécher leurs petits. Chez les humains, la dépression peut être considérée comme un stress pendant la grossesse et ce stress peut rendre les enfants plus vulnérables à certaines maladies et à certains troubles du développement. C’est pourquoi on soumettra les nouveau nés à des tests pour déterminer la présence de 22 gènes associés à un comportement agressif ou antisocial, ainsi qu’à des troubles d’apprentissage comme l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Michael Meaney et son équipe suivront également le développement cognitif et social de ces enfants pendant une période de cinq ans. Compte tenu du lien qui existe entre les glucocorticoïdes, le développement du cerveau et la mémoire, les chercheurs effectueront également des scintigraphies cérébrales et mesureront les niveaux d’hormones de stress tout au long de l’étude.

Si les modèles observés chez les humains vont dans le sens des données recueillies au sujet des rats, Michael Meaney prédit que les enfants dont la mère est moins affectueuse seront prédisposés à certains problèmes, comme l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Il signale cependant que ces conclusions ne sont pas nécessairement aussi définitives qu’elles peuvent sembler. Des études effectuées récemment dans son laboratoire ont démontré que ces effets sont réversibles. Ainsi, si le petit d’une rate peu portée à lécher est « adopté » par une rate qui lèche beaucoup ses petits, il affichera un développement normal. Ce renversement de la tendance peut même se produire après la puberté. Le fait pour le raton d’évoluer dans un environnement stimulant renverse les effets des soins maternels sur la réaction au stress et l’apprentissage.

Par ailleurs, Michael Meaney explique qu’une forte réaction au stress n’est pas nécessairement une mauvaise chose. L’environnement dans lequel l’enfant évolue est très important. Une étude menée dans des quartiers pauvres de Montréal où la criminalité est élevée a révélé que les garçons qui ont un comportement irréprochable affichent un taux de cortisol plus élevé que ceux qui font partie d’un gang ou s’adonnent à des activités criminelles. Le chercheur soutient que le niveau élevé de stress observé chez ces garçons peut les rendre plus craintifs, donc moins susceptibles de s’adonner à des activités criminelles.

Dans le cadre de leur projet pancanadien, Michael Meaney et ses collègues pourraient aider les parents à faciliter l’adaptation de leurs enfants au milieu et les préparer à mieux réagir au stress. Le projet MAVAN pourrait également démontrer COMMENT se développe l’interaction complexe entre le milieu et les gènes.

Par Tania Elaine Schramek