24-04-2008


Lors d'un séjour d'un an en Angleterre en 2008, Eric Latimer, Ph.D., a rédigé un blogue, un outil de réflexion et de partage sur l'efficience des services de santé mentale en Angleterre, au Canada et ailleurs dans le monde.


Beaucoup d'encre a coulé et coule encore au Québec pour discuter des mérites de la privatisation comme levier pour améliorer l'accès aux services publics de santé et leur qualité.

Pendant ce temps, l'Angleterre est en train d'implanter progressivement une stratégie radicale pour introduire certains des incitatifs associés à la privatisation, qui peut être appliquée sans qu'on ouvre la porte aux entreprises de santé à but lucratif.

Cette stratégie s'appuie, en bref, sur l'argument suivant (voir le livre: Delivering Public Services Through Choice and Competition: The Other Invisible Hand (2007), du professeur Julian Le Grand, de la London School of Economics and Political Science):

Nous souhaitons tous des services publics (santé, éducation, etc.) de qualité et géographiquement accessibles. Or il existe quatre stratégies fondamentales pour y parvenir:

  • La confiance (on forme bien nos professionnels et ensuite on les laisse aller)
  • Le contrôle hiérarchique, stratégie qui inclut l'utilisation de cibles et de contrats de performance
  • La pression exercée par les utilisateurs de services (voice)
  • Le choix et la compétition entre les pourvoyeurs de services

L'analyse des avantages et désavantages de ces stratégies respectives qu'a faite le gouvernement travailliste depuis déjà plusieurs années a mené à l'introduction de nouveaux mécanismes de choix et de compétition. (Tel que mentionné dans un billet précédent, les cibles, et d'ailleurs les autres stratégies, sont utilisées aussi; selon le professeur Le Grand toutes doivent être utilisées - la question en est une de l'équilibre optimal entre elles.)

Par exemple, la loi anglaise exige maintenant que les Councils (ces instances locales qui gèrent les services sociaux) offrent aux personnes qui ont droit à des services sociaux et qui sont aptes à y consentir (ce qui inclut beaucoup de personnes qui ont des troubles mentaux graves) la possibilité de recevoir un budget leur permettant d'acheter leurs services sociaux de pourvoyeurs approuvés. C'est ce qu'on appelle ici des "Direct payments". Cette politique augmente l'éventail de choix ouverts aux utilisateurs de services (ce que les études indiquent correspond aux préférences de la majorité des gens), tout en introduisant une certaine compétition entre les pourvoyeurs de soins.

Je reviendrai des des billets ultérieurs sur les arguments qui sous-tendent cette politique, différents mécanismes par lesquels elle s'articule (surtout en ce qui concerne les personnes qui ont des troubles mentaux) et ses implications possibles pour le Québec.

Commentaires

Karen a dit :

Je crois que ca va prend beaucoup de temps avant que le quebec arrive à faire comme en Angleterre.
Car pour arriver a le faire il faudrai que le gouvernement arrete de faire l'autruche et accepte la réalister telle qu'elle est .
Et il faudrai pour ca que les médecins des hôpitaux arrête de nous envoyer dans les clinique privé pour avoir un diagnostique, car eux ne peuvent le donner vue les exigence gouvernemental sont trop élever .
Au quebec ont na de la difficulter a donne a des enfant (autiste ) des service d'accompagnateur en classe normal, ou de réadaptation, alors comment le quebec pourrait y arriver, je ne le voie pas .
Il y a trop de probleme au quebec, il va falloir attendre encor quelque centaine d'année avant que nous puissions pencer a faire comme en Angleterre. D'ici la il faut payer de notre poche ce que le gouvernement nous refuse !!!

Suite du billet (2)
Je reviens ici sur un sujet abordé dans mon dernier billet, les paiements directs. J'avais mentionné que ceux-ci avaient été introduits par le gouvernement travailliste dans la perspective d'améliorer les services publics en augmentant le choix ouvert aux utilisateurs de services, et la compétition entre les fournisseurs de services. Dans le présent billet, je décris plus en détail comment fonctionnent les paiements directs au Royaume-Uni, et je résume ensuite les résultats d'une étude préliminaire en Floride sur le même thème, et qui suggère que ce mécanisme peut favoriser le rétablissement des utilisateurs de services.

Le fonctionnement des paiements directs au Royaume-Uni

Dans le contexte de la santé mentale, tel que décrit dans un document publié par le Department of Health, le fonctionnement des paiements directs se fait ainsi:

  • L'utilisateur de services rencontre son "care coordinator" (case manager), et ils évaluent quels sont ses besoins en services sociaux (les services de santé ne sont pas couverts par les paiements directs, il s'agit uniquement de services fournis par les councils locaux);
  • La possibilité de répondre à ces besoins, en tout ou en partie, au moyen de paiements directs, est discutée avec le care coordinator; le montant du paiement direct que l'utilisateur pourra recevoir pour acheter des services est évalué par le care coordinator;
  • Un service de soutien aux paiements directs (Direct payments support service - ce ne peut être la même personne que le care coordinator) aide l'utilisateur à identifier les services qu'il pourrait acheter, et à se prévaloir de ses paiements directs;
  • L'utilisateur peut ainsi, par exemple:
    • Engager un membre de famille, ami ou autre pour devenir son assistant personnel, pour les tâches convenues avec le care coordinator; l'utilisateur de services devient alors un employeur et a généralement besoin de l'aide du direct payments support service pour apprendre comment assumer cette responsabilité;
    • Acheter des services d'une organisation telle qu'un organisme communautaire;
    • Rendre visite à sa famille; plus souvent.
  • L'utilisateur de services devra rendre compte de la façon dont il a dépensé l'argent qui lui aura été versé.

Le National Institute for Mental Health in England a publié un document complémentaire très facile à comprendre, orienté vers les utilisateurs de services.

À la lecture de ces documents, on conclut que, au moins pour certaines personnes qui ont des troubles mentaux, le recours à ce mécanisme peut être très aidant. Par ailleurs, la loi le rend disponible également pour les aidants naturels. À noter toutefois, en pratique, ce mécanisme est considéré comme encore sous-utilisé au Royaume-Uni.

Une expérience connexe qui donne des résultats encourageants, en Floride

Dans son numéro de juin 2008, la revue Psychiatric Services publie, dans sa série Economic Grand Rounds, un article de Judith Cook, Carolyn Russell et autres sur le même thème: l'introduction d'un mécanisme semblable en Floride (offrant toutefois une plus grande flexibilité dans les types de services sur lesquels les paiements pouvaient être dépensés) aurait été suivie non seulement d'une amélioration significative (cliniquement - de 8 points en moyenne - et statistiquement) sur l'échelle Global assessment of functioning, mais aussi d'une réduction importante dans les jours d'hospitalisation et une économie globale importante. En effet, contrairement aux attentes, les utilisateurs de services n'ont dépensé que 32% des fonds qui leur avaient été alloués (le montant avait été établi pour être égal au coût moyen antérieur). L'article rapporte que les utilisateurs ont acheté divers services non-traditionnels, tels que des abonnements au YMCA, et aussi de la nourriture, des améliorations aux conditions de logement, et aussi des services dentaires et autres. Au bout du compte, selon les auteurs, plusieurs clients avaient fait des progrès importants dans l'accomplissment de buts personnels liés à l'éducation, l'emploi, le logement autonome. Ainsi, ce mécanisme économique, selon les auteurs, semble favoriser le rétablissement des utilisateurs de services.

À cause de ces résultats encourageants, le programme est en voie d'expansion en Floride; mais ce genre de programme demeure rare aux États-Unis.