20-05-2008


Lorsqu'elle a quitté la Belgique en 1978 pour venir vivre à Montréal, Ellen Corin, Ph. D., chercheuse au Douglas, a d'abord été frappée par la tolérance des Montréalais envers les exclus de la société, notamment les personnes souffrant de maladie mentale.

Mais après un certain temps, elle a réalisé que souvent il ne s'agissait pas de tolérance, mais plutôt d'indifférence.

« J'ai décidé de me servir de mes connaissances en anthropologie afin d'aider les gens à faire preuve de plus de compréhension et de compassion envers les personnes atteintes de maladie mentale. J'ai passé les 25 dernières années à poursuivre cet objectif. J'ai également consacré ma carrière à veiller à ce que les besoins et désirs des gens atteints de maladie mentale soient comblés et respectés. »

Le rejet des solutions « toutes faites »

Chercheuse au Centre de recherche du Douglas, au sein du thème Services, politiques et santé des populations, Ellen a fait une percée impressionnante dans la façon d'aider les gens à réussir leur vie malgré leur maladie mentale. Elle se bat contre les préjugés en aidant la société à voir les personnes atteintes de maladie mentale avant tout comme des êtres humains. Ainsi, elle cultive une meilleure compréhension des défis auxquels ces gens sont confrontés lorsqu'ils essayent de régler leurs problèmes de santé mentale.

Exemple de ses efforts, Ellen aide présentement le groupe communautaire Les Impatients à organiser une exposition d'art, prévue en septembre, qui présentera des oeuvres d'artistes atteints, ou non, de maladie mentale. Parmi les sujets abordés, notons la mort, la sexualité et la violence : « Bref, des sujets qui font partie de notre expérience humaine commune », explique Ellen. Les visiteurs ne sauront pas lesquels des artistes sont atteints d'une maladie mentale, et ce, dans le but de faire passer le message que leur identité ne se limite pas à leur trouble de santé mentale. « Cet événement créera une opportunité de dialogue entre les personnes aux prises avec une maladie mentale, la communauté artistique et le public », selon Ellen.

Ellen a également dirigé le comité scientifique de la conférence « Stigma et maladie mentale : un cercle vicieux », qui s'est tenue au Douglas en mars 2007 et qui a donné la parole aux patients, à leurs proches, aux médecins et aux chercheurs. Cette conférence a réussi à sensibiliser les professionnels du monde de la santé et la population en général à tenter de trouver des façons de combattre les stigmates.

Au cours des dernières années, Ellen a également développé des liens solides avec le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), une organisation de défense des droits des patients représentant plus d'une centaine de groupes communautaires. Présentement, Ellen dirige un projet de recherche, en collaboration avec un sous-groupe du RRASMQ, qui vise à identifier des approches efficaces différentes de celles actuellement prônées par les traitements traditionnels en psychiatrie. Ces résultats devraient aider à améliorer les interventions et les programmes de 1re ligne en accord avec les objectifs du Plan d'action en santé mentale.

Dans le traitement de la maladie mentale, Ellen rejette fermement les solutions « toutes faites », ou les programmes préétablis, qui confinent les besoins des patients dans un cadre fixe. Elle favorise plutôt l'élaboration de solutions en se basant sur les besoins, les désirs et les objectifs de vie des individus.

Elle insiste sur le fait que les résultats d'une recherche récente confirment sa vision : « Les programmes qui se concentrent sur les désirs et les besoins des gens atteints de maladie mentale obtiennent plus de succès que ceux qui tentent de faire entrer le patient dans un moule rigide. »

Un peu d'humilité s'il vous plaît!

Ellen encourage le monde de la psychiatrie, traditionnelle et alternative, à reconnaître qu'il reste encore plusieurs questions sans réponses au sujet de la maladie mentale. « Les psychoses, par exemple, demeurent toujours une énigme, explique-t-elle. Nous devons être humbles et ouverts à l'idée de mettre en commun notre expertise avec les expériences personnelles des patients si nous voulons leur offrir un soutien significatif et durable. En faisant preuve d'humilité et en mettant l'accent sur le rétablissement, nous modelons un comportement qui contribue à briser les tabous, autant au sein de la communauté médicale que dans la population en général.  »

Divers pays

Ellen est née et a étudié en Belgique. Ses études universitaires en psychologie ont été fortement influencées par l'anthropologie, la sociologie et la philosophie, ce qui en retour a forgé son intérêt pour l'impact que peut avoir la société sur la santé et la maladie mentale.

La fascination d'Ellen pour l'influence des cultures sur la santé mentale l'a conduite à visiter de nombreux pays. Entre 1966 et 1978, elle a observé un certain nombre de communautés ethniques au Zaïre (maintenant nommé la République démocratique du Congo), où elle a assimilé et évalué les soins traditionnels utilisés pour traiter les maladies mentales. Elle dirige présentement une recherche en Inde où elle étudie des patients atteints de schizophrénie, qui sont soignés par la Schizophrenia Research Foundation et qui se rendent également au temple religieux pour obtenir du soutien et un soulagement de leurs symptômes. De plus, toujours en Inde, Ellen dirige une étude avec des Ascètes hindous. Les résultats de cette étude lui permettent de mieux comprendre pourquoi les caractéristiques particulières de l'hindouisme peuvent aider les personnes plus fragiles, comme celles souffrant de schizophrénie, à faire face aux difficultés reliées à leur maladie. « Finalement, il existe plusieurs façons de combattre les stigmates, mais deux conditions sont essentielles : être ouverts à de nouvelles idées et toujours penser avant tout au patient », conclut Ellen.

En un mot ou deux…

Quel mot décrit le mieux la maladie mentale?
Une expérience humaine profondément déstabilisante.

Quel film a eu le plus d'influence sur votre vision de la maladie mentale?
15 Park Avenue, un film indien.

Comment préservez-vous un mode de vie équilibré?
Je discute de mon travail avec mon mari, qui partage les mêmes intérêts que moi, et j'assiste à des spectacles d'art contemporain.

Qui fait, à votre avis, un travail hors pair pour démystifier la maladie mentale?
Lorraine Guay, une infirmière qui consacre sa carrière à la défense des droits des personnes marginalisées dans notre société.

Un mot pour décrire le Douglas?
Conciliant.