30-05-2007

Au-delà des attentes


Si vous avez assisté à la conférence organisée par le Douglas en mars dernier, intitulée « Stigma et maladie mentale : un cercle vicieux », vous vous rappellerez certainement de Pierre Nadeau.

En effet, Pierre a livré un témoignage inoubliable, dans le cadre de la table ronde « L'expérience subjective du stigma ». Devant un auditoire de 200 personnes, il a partagé les réalités de vivre au quotidien avec une maladie mentale. Il a raconté, de façon détaillée et touchante, comment les puissants stigmates qui entourent la maladie mentale l'ont presque empêché, tout comme bien d'autres, de prendre sa vie en main. Faisant preuve de compassion, de détermination et d'une très grande force de caractère, Pierre a consacré une importante partie de sa vie à combattre ces stigmates. Son témoignage percutant a captivé l'auditoire et a largement contribué au succès de la conférence.

Une première

Pierre a été nommé gestionnaire du service de messagers CADRE au Douglas, en octobre dernier. En 2006, sur l'initiative de l'équipe du SPECTRUM, le Douglas a fait appel au Centre d'action de développement et de recherche en employabilité (CADRE), une organisation sans but lucratif, pour gérer le service de messagers, et en l'occurrence pour embaucher son gestionnaire. CADRE aide les gens qui souffrent de maladie mentale à acquérir une expérience professionnelle qui peut les mener à obtenir un emploi bien rémunéré sur le marché du travail régulier.

Pierre est le premier ancien patient de l'histoire du Douglas à assumer, au sein de l'Institut, à titre de sous-traitant, un poste de gestionnaire. Il s'agit d'une première, qui témoigne du leadership qu'exerce le Douglas dans le domaine de la lutte contre le stigmate et de la promotion du rétablissement.

Pierre gère et inspire 25 messagers CADRE, qui sont payés pour faire des livraisons dans les différents départements et services du Douglas. Il fait un excellent travail !

Un employé compétent

Selon le directeur général de CADRE, Roy Bhimpaul, Pierre a comblé tous les espoirs qu'il avait à l'égard d'un nouvel employé : « Pierre dépasse les attentes. Il est en charge de nombreux employés et veille à ce qu'ils se présentent à temps, qu'ils fassent bien leur travail et qu'ils acquièrent de l'expérience. Bien qu'il soit nouveau dans ce domaine, il motive son personnel et interagit efficacement avec les employés du Douglas. En fait, il travaille tellement bien qu'il participe déjà au processus d'embauche. »

Un parcours difficile

Pierre met à contribution son expérience de vie dans son travail. Orphelin à l'âge de six mois, il a connu une jeunesse difficile, vivant dans plusieurs foyers d'accueil et de groupe. Jeune adulte, il a souffert de dépression chronique et a été traité au Douglas.

Surmontant ses problèmes, Pierre était déterminé à donner à son tour en faisant du bénévolat. Il a commencé par coordonner des activités et à conseiller de façon informelle les clients du Projet PAL, du « Club Ami » de AMI-Québec ainsi que d'Action Santé. Dès 2001, il se faisait connaître au Centre Wellington en coordonnant les sorties, en dirigeant des activités et en apportant son aide à la cafétéria.

Meneur naturel, Pierre n'a pas peur de dire ce qu'il pense. Il a été invité, au milieu des années 1990, par l'Hôpital général de Montréal, à discuter avec des psychiatres des réalités quotidiennes d'une personne vivant avec une maladie mentale. Il a également siégé au conseil d'administration du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), qui encourage la participation communautaire, la mise à profit des forces de chacun ainsi que la lutte contre les stigmates, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du système de santé mentale. Il est toujours un membre actif de ce groupe.

Pendant qu'il acquérait cette expérience, il était toujours déçu de constater que les patients étaient découragés à poser leur candidature pour obtenir des postes dans le domaine de la santé mentale : « C'est une chose, pour les organisations oeuvrant dans le domaine de la santé mentale, que de militer contre les stigmates. C'en est une autre que d'offrir un emploi à des personnes qui comprennent les réalités propres à la maladie mentale et qui ont des talents à offrir. Si les intervenants du domaine de la santé mentale ne sont pas prêts à envisager que les personnes souffrant de troubles de santé mentale peuvent s'avérer de "bons candidats", comment peuvent-ils s'attendre à ce que d'autres employeurs agissent en ce sens? »

La voix de l'expérience

Aujourd'hui, Pierre adore son travail : « C'est très valorisant de motiver d'autres personnes à travailler comme messagers, à être ponctuels et à bien faire leur travail. Chaque fois que j'en ai l'occasion, je les incite à mettre à profit cette expérience pour accepter d'autres emplois dans la communauté. C'est difficile de perdre un bon employé, mais c'est pour les meilleures raisons du monde. »

Pierre encourage d'autres personnes souffrant de maladie mentale à postuler pour des emplois tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du domaine de la santé mentale. Fort de son expérience, il donne les conseils pratiques suivants : « Sachez ce que vous aimez faire. Faites preuve d'honnêteté quant à vos intérêts et à vos capacités. Travaillez le nombre d'heures qui vous permettra de profiter de la vie tout en étant le moins stressé possible. Vous devez franchir ces étapes vous-même, mais vous ne serez pas seul. Nous vous aiderons. Lorsque vous traverserez des périodes difficiles, concentrez-vous sur les aspects positifs et gardez espoir. Surtout, ayez confiance en vous. Comme cela a été le cas pour moi, vos rêves pourront, un jour, devenir réalité. »

En un mot ou deux…

Quel mot décrit le mieux la maladie mentale?
Obscur

Quel film a eu le plus d'influence sur votre vision de la maladie mentale?

Vol au dessus d'un nid de coucou.

Comment préservez-vous un mode de vie équilibré?
Ma copine me garde les deux pieds sur terre!

Qui fait, à votre avis, un travail hors pair pour déstigmatiser la maladie mentale?
Nicole Lahaie, coordonnatrice clinique du SPECTRUM et Ella Amir, directrice de AMI-Québec.

Croyez-vous que le Douglas sera encore là dans 125 ans?
Non.

Un mot pour décrire le Douglas?

Diversifié.