07-12-2009

Une chercheuse de l’Institut Douglas enseigne les avantages de dormir plus longtemps.

La plupart des gens savent que le manque de sommeil est l’une des principales causes d’irritabilité, de maussaderie et d’un accroissement du stress; cependant, à mesure que notre société devient de plus en plus occupée, cette connaissance de sens commun semble sombrer dans l’oubli. Une chercheuse de l’Institut Douglas revient au sens commun et à la science pour enseigner l’importance du sommeil, en commençant par les plus jeunes membres de la société : les élèves de l’école primaire.

« Les faits et les études nous démontrent que les enfants dorment de moins en moins, et nous savons que le manque de sommeil affecte un tas de choses, explique Reut Gruber, docteur en psychologie et spécialiste du sommeil chez les enfants. L’un des domaines affectés est le rendement scolaire. Les études ont démontré que le sommeil joue un rôle important dans l’apprentissage et la mémoire. Plus particulièrement, il est nécessaire de dormir après l’apprentissage, car une partie du traitement de l’information se fait pendant le sommeil.

Une mauvaise nuit nous nuit

Reut Gruber s’inquiète de la tendance à moins dormir. « Souvent, les parents d’aujourd’hui ne font pas du sommeil une priorité, dans leur vie au rythme effréné. Ils croient qu’il vaut mieux que leurs enfants participent à de nombreuses activités, sans comprendre que d’avoir plus de choses à faire et moins de sommeil joue contre ce qu’ils essaient d’accomplir. »

Depuis un certain temps, il est clair pour Reut Gruber que cette attitude doit être modifiée. Alors, il y a deux ans, elle s’est donné une mission : faire connaître le rôle crucial du sommeil. Et elle savait que le message devait être transmis aux parents, aux enfants, et aux instituteurs.

« Je me suis attaquée à cette mission en commençant par un projet-pilote, auquel j’ai travaillé de concert avec Gail Somerville, Chake Berberian, Enzo Diloia et Elizabeth Gilles-Poitras de la Commission scolaire Riverside, explique Mme Gruber. Nous avons élaboré un programme visant à renseigner les enfants sur le sommeil, et plus particulièrement sur l’importance du sommeil, à donner des conseils sur les façons de mieux dormir et à exposer brièvement ce que sont la science et les méthodes de recherche. »

Mme Gruber et ses assistants de recherche, Dan Brouillette et Dana Sheshko, ont débuté par une séance, qui en a amené d’autres, puis le processus s’est étendu à une autre école. « Notre projet pilote a fini par être intégré au programme de science d’une autre école de la même commission scolaire, précise-t-elle. Quand j’ai constaté que cela sensibilisait les enfants et qu’ils aimaient cela, nous avons décidé de faire une demande de subvention « Des connaissances à la pratique » auprès de la direction du Transfert des connaissances, qui fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Cette subvention favorise la collaboration avec la collectivité, étant donné qu’un chercheur principal provient du secteur de la recherche, et l’autre, de la collectivité. »

Alors, Mme Gruber, à titre de chercheur principal, Gail Somerville, directrice des Services spéciaux à la Commission scolaire Riverside, à titre de chercheur principal issu de la collectivité, et quatre autres membres provenant de la commission scolaire (trois directeurs d’école et un psychologue scolaire) ont fait une demande de subvention qui a été acceptée.

La subvention de recherche ouvre la voie à «l’éducation en matière de sommeil»

Forts de leur subvention, les membres de l’équipe avaient un plan d’action clair : augmenter les données du projet pilote afin d’élaborer un programme qui serait intégré au programme en santé de toutes les écoles primaires du Québec, et même, à l’échelle du pays. Puis, il s’agissait d’étendre ce programme et d’en créer une autre version destinée aux élèves des écoles secondaires et des collectivités autochtones.

Pour lancer ce projet, Mme Gruber et son équipe – Eva Monson, coordonnatrice de projet, Nikki Amirlatifi, Dan Brouillette, Zoe Schwartz, Erika Kleiderman et d’autres – ont ciblé quatre auditoires différents : les élèves, les parents, les enseignants et le personnel, ainsi que les esponsables des politiques.

« Pour chacun de ces domaines, nous avons établi des sous-comités, au sein desquels des gens de la collectivité et de la recherche collaborent à élaborer du matériel pertinent, explique Mme Gruber. Cela exige de former des groupes de consultation, avec l’aide de Michel Perreault, Ph.D., chercheur à l’Institut Douglas, afin de découvrir ce que les gens savent à propos du sommeil et ce que nous appelons les obstacles au sommeil, de façon à cibler ce sur quoi nous allons travailler. Puis, en fonction de cette information, nous élaborons un nouveau programme qui tiendra compte de nos constatations. »

Actuellement, au Québec, il existe un programme relatif à la santé qui touche les sujets que le gouvernement juge importants pour les enfants; certains sujets sont obligatoires, et d’autres, non. On y aborde notamment l’activité physique, la nutrition et l’éducation sexuelle.

Dernièrement, Mme Gruber a rencontré le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, et des démarches afin d’intégrer le programme lié au sommeil au programme existant sont en cours. Des étapes sont également franchies dans la création de programmes semblables destinés aux écoles secondaires et aux groupes autochtones, en collaboration avec Ann Macaulay, M.D. et Jonathan Salsberg, MA, du Centre pour la recherche participative à McGill (PRAM, Département de médecine familiale).

Le manque de sommeil : un problème grave, mais qui se traite bien

Selon Mme Gruber, le sommeil est crucial dans de nombreux aspects de la santé mentale. «Plusieurs maladies psychiatriques comme la dépression, l’anxiété, le déficit d’attention avec hyperactivité, comptent les problèmes liés au sommeil parmi leurs principaux symptômes, dit-elle. Parallèlement, nous savons que le manque de sommeil chez des personnes qui sont officiellement en bonne santé finira par mener à des problèmes de santé mentale. L’irritabilité, la maussaderie et l’accroissement du stress sont souvent le résultat direct d’un manque de sommeil. En fait, la santé mentale et le sommeil vont de pair. »

En plus d’affecter les résultats scolaires d’un enfant, le manque de sommeil causera les mêmes symptômes que ceux que l’on observe chez les enfants souffrant de TDAH, y compris une durée d’attention réduite, le passage très rapide de la joie aux larmes (la régulation émotionnelle est affectée de façon dramatique), et l’incapacité d’être patient. On sait en outre que de nombreux enfants souffrant de TDAH ont des problèmes de sommeil, ce qui prouve que les deux sont reliés.

« La bonne nouvelle est que les troubles du sommeil se soignent très bien », dit Mme Gruber. En fait, nous savons que le sommeil et le manque de sommeil ont des effets importants sur les humains, alors le fait qu’il soit possible d’améliorer le sommeil est très intéressant pour moi, en tant que clinicienne et chercheuse. »

Mais au bout du compte, Reut Gruber et son équipe ont un objectif : optimiser et améliorer le rendement et les réussites scolaires des enfants du Québec, et peut-être même du pays. « Je sais que nous pouvons faire changer les choses », conclut-elle.