06-05-2011


Au terme de 17 années à titre de directeur général du Douglas, Jacques Hendlisz, qui a présidé à l’une des périodes les plus tumultueuses de l’établissement, prend sa retraite. Sous sa gouverne, l’hôpital est devenu un institut universitaire, a élaboré une vision commune et adopté une approche de ses activités centrée sur le patient. Parallèlement, le Centre de recherche Douglas est devenu un modèle d’excellence dans la recherche en santé mentale.

Outre ses réalisations au Douglas, Jacques Hendlisz enseigne à McGill et siège à plusieurs conseils, notamment au Fonds de recherche en santé du Québec et au Réseau universitaire intégré de santé de l’Université McGill. Président du conseil de Recherche Canada, organisation bénévole sans but lucratif qui fait la promotion de la recherche en santé à l’échelle du Canada, il est également très actif au sein d’organismes caritatifs.

Au moment où sa carrière remarquable tire à sa fin, Jacques Hendlisz se penche sur son passé et son avenir.

Avez-vous des sentiments contradictoires face à votre départ à la retraite?

Bien sûr! Il se passe tellement de choses emballantes en ce moment, au Douglas, qu’il est difficile de laisser tout cela derrière moi.

Le Douglas est très bien positionné pour être un chef de file en matière de politique, de recherche et de soins cliniques. Nous avons très bien réussi à intégrer la recherche aux soins cliniques, et nous jouons un rôle de leadership dans l’élimination des préjugés, grâce à l’éducation du public.

Par ailleurs, entreprendre quelque chose de nouveau est toujours stimulant!

Qu’est-ce qui vous a amené ici, à l’origine?

Je suis venu au Douglas pour deux raisons. Même si je n’avais pas beaucoup de connaissances en santé mentale, j’ai toujours été attiré par le milieu universitaire parce qu’il tend à l’excellence. C’est un environnement où l’on se remet constamment en question et où l’on essaie de toujours faire mieux. Je suis attiré par ce genre de culture, et c’est ce que j’ai trouvé ici. L’autre raison est qu’au point de vue intellectuel, l’étude de la santé mentale est vraiment fascinante; c’est ce qui fait de nous des humains.

Vous étiez assez jeune, à votre arrivée…

J’ai la grande chance d’avoir occupé des fonctions de leadership tôt, dans ma carrière. J’avais 32 ans lorsque je suis devenu directeur général de l’Hôpital juif de réadaptation et, 12 ans plus tard, j’ai été nommé directeur général du Douglas.

Quel genre de formation universitaire aviez-vous reçue?

J’ai reçu une première formation en anthropologie et une seconde en gestion. En anthropologie, mes champs d’intérêt étaient les systèmes de croyances et la cosmologie… essentiellement, la façon dont les gens comprennent le monde qui les entoure. Dans chaque société, la santé fait partie du système de croyances fondamental.

Ces antécédents m’ont-ils aidé au Douglas? Absolument! Les problèmes liés à la santé mentale touchent à tous les aspects de la vie : médical, social, spirituel, professionnel, et les aspects liés au logement, à l’amour, à l’amitié, à la famille. Travailler en santé mentale, c’est prendre vraiment conscience de la complexité de la vie de tous les jours.

Quel a été le plus grand défi que vous ayez eu à relever, à votre arrivée?

Le Douglas était encore fondé sur le modèle asilaire, alors il n’était pas perçu de façon très positive, et il ne reflétait pas l’excellence organisationnelle. Nous n’étions pas considérés comme une organisation moderne. Alors, à part quelques noyaux d’excellence chez les chercheurs, les cliniciens et les gestionnaires, le Douglas n’était pas en mesure d’attirer de grands talents en administration. En fait, j’ai été le premier administrateur à être embauché de l’extérieur en plus de 25 ans.

Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier?

Ce serait d’avoir élaboré une vision commune du Douglas pour le personnel des soins cliniques et de la recherche. Cela constituait un gros problème, parce qu’à mon arrivée, le Douglas comportait des groupes d’excellence qui n’avaient aucun lien entre eux… ils ne collaboraient pas. Il était donc important d’établir ce que les psychiatres, les cliniciens et les chercheurs partageaient et ce qui pourrait les réunir.

Tout cela a permis de transformer le Douglas d’asile en centre de santé mentale universitaire, doté d’une vision commune de l’intégration des soins, de la recherche, de l’enseignement et du transfert de connaissances d’une façon qui, ultimement, profite aux gens aux prises avec des problèmes de santé mentale. Cette vision commune a également une incidence sur la manière dont nous travaillons les uns avec les autres.

Qu’est-ce qui a soutenu votre motivation, au fil des ans?

Lorsque je vois la façon dont notre excellence en soins cliniques et en recherche est reconnue aux plans provincial, national et même international, je sais que nous réussissons. Notre capacité d’attirer de grands cliniciens, chercheurs et administrateurs est ce qui me motive.

Dans votre vie personnelle, vous êtes chef dans un restaurant, un soir par semaine…

En tant que passionné de la cuisine, travailler dans un restaurant est un rêve devenu réalité. Ma femme et moi étions des habitués du restaurant Alex H., et nous aimions nous entretenir avec le chef, alors quand il a eu des problèmes de santé, ma femme a offert mes services bénévoles!

Y a-t-il des similitudes avec votre travail au Douglas?

Oui, dans le fait de parer aux imprévus. Peu importe la planification que l’on a faite, on a toujours des surprises : livraisons erronées, produits non mûrs, erreurs dans les réservations, c’est sans fin. Mais il faut savoir réagir vite, s’adapter… et sourire! En fait, ma plus grande amélioration, c’est que trois ans plus tard, je ne me coupe plus et je ne me brûle plus aussi souvent!

Vous croyez beaucoup en la méditation. Est-ce que cela a également été un atout?

Au plan intérieur, la méditation change la perception de soi-même au sein du monde. D’un point de vue extérieur, on acquiert une plus grande compréhension et compassion à l’égard des autres. Nous sommes tous des êtres uniques, liés entre eux, mais responsables de leur propre vie.

Ultimement, la méditation aide à acquérir une plus grande maîtrise de sa vie. Dans la vie, on ne peut pas toujours maîtriser les événements extérieurs, mais on peut contrôler la façon dont nous les abordons. Et si on aborde les événements de façon positive, on peut finir par les influencer… c’est un paradoxe.

Quels sont vos souvenirs les plus chers du Douglas?

Sans nul doute, les gens que j’ai rencontrés à tous les niveaux de l’organisation. Ce sont des gens extraordinaires, dévoués, travaillants, drôles, compatissants, qui veulent aider les autres. Je ne les oublierai jamais.

Avez-vous des plans d’avenir?

On m’a présenté des projets emballants, mais pour le moment, je vais me contenter de me reposer et de m’aérer l’esprit. Ce sera intéressant de voir ce qui se passera lorsque je n’aurai plus besoin d’être toujours « performant ».

Et puis… on verra où la vie me mènera. Mais ce qui est certain, c’est que les journées de 14 heures sont derrière moi.

Que garderez-vous du Douglas?

Travailler en étroite collaboration avec des gens intelligents et passionnés a été un privilège. Et travailler en santé mentale m’a appris tellement sur moi-même et sur les autres. Je vais continuer à donner un coup de main en faisant du bénévolat.

Un conseil pour votre successeur?

Simplement écouter… Il y a un tas de gens expérimentés et très compétents, au Douglas, et le domaine est très complexe. Alors, écoutez simplement les gens autour de vous.