Un bercail à soi pour mieux guérir âme et coeur

18-07-2011


Dans la rue, où elle vivait, nul ne savait que la voix de Thérèse*, en chanson, pouvait réchauffer les coeurs. Puis un jour la dame qui l’a aidée à trouver son petit «chez-soi» lui a demandé de chanter à la fête de Noël de son équipe de travail. Elle a tant enchanté les spectateurs que quelque temps plus tard, la dame de 50 ans voyait émerger son rêve de jeunesse lorsqu’elle fut sélectionnée parmi les finalistes d’un concours de chant organisé par une station de télé québécoise.

Thérèse est l’une des quelque 150 itinérants souffrant de troubles mentaux à qui on a déniché un logement dans le cadre du projet Chez Soi. Il s’agit en fait d’un projet de recherche dont l’objectif est d’évaluer les éléments qui favorisent la stabilité du logement tout en assurant le bien-être des itinérants aux prises avec des problèmes de santé mentale. Un bercail à soi pour mieux guérir âme et coeur.

«Nous nous sommes inspirés des programmes Logement d’abord (Housing First) à New York, qui s’adresse aux personnes itinérantes dont les besoins sont élevés et De la rue au logement (Street to  Home) à Toronto, pour les besoins modérés», mentionne Cécile Leclercq, Ph.D., coordonnatrice du projet Chez Soi à Montréal. La métropole participe au projet en même temps que les villes de Vancouver,  Winnipeg, Toronto et Moncton.

Comme il s’agit aussi d’une recherche, les 460 participants sont répartis entre les groupes expérimentaux et les groupes témoin : 300 d’entre eux affichent des besoins dits «modérés» et parmi ceux-ci, 200 personnes se verront offrir un logement et les services de l’équipe d’intervention de Chez soi (groupe expérimental), alors que les 100 autres (groupe témoin) continueront à faire appel aux services de la communauté.

Les 160 itinérants dont les besoins sont plus pressants sont  répartis en deux cohortes égales formant le groupe expérimental et le groupe témoin. «Nous avons une équipe de recherche qui rencontre tous les participants à tous les trois mois pendant deux ans, afin d’évaluer leur situation», ajoute Mme Leclercq en précisant que parmi les artisans du projet montréalais, on compte également trois équipes cliniques et une équipe dont la tâche est de dénicher les logements, par le biais d’une entente avec plus d’une quarantaine de propriétaires d’habitations. Une idée qui porte des fruits.

Une idée qui porte des fruits

L’origine de ce projet remonte à un fonctionnaire de Santé Canada, qui partageait en 2007 sa  préoccupation à l’égard des itinérants souffrant de troubles de santé mentale avec l’ex-sénateur Michael Kirby, l’instigateur de la Commission de la santé mentale du Canada (qui assume le financement du projet Chez soi). «M. Kirby a monté un projet plus vaste que ce qu’avait proposé le représentant de Santé Canada», relate Eric Latimer, Ph.D., chercheur du thème «Services, politiques et santé des populations» à l’Institut Douglas et chercheur principal du projet Chez soi pour Montréal.

L’équipe dont fait partie Eric Latimer est formée d’intervenants et de chercheurs du Centre de Santé et  Services sociaux Jeanne-Mance, de l’organisme communautaire Diogène, de l’Institut Douglas, ainsi que de cinq universités québécoises. Ils ont démarré le recrutement des participants à l’automne 2009. «Les refuges, les prisons, les organismes communautaires et les hôpitaux nous réfèrent des participants et nos intervieweurs/agents de recherche sont aussi présents sur le terrain», signale Cécile Leclercq.

Dans leur nouveau chez-soi, les locataires ne sont pas laissés à eux-mêmes, poursuit la coordonnatrice du projet: avec l’aide d’un intervenant qu’ils rencontrent au moins une fois par semaine, chacun d’entre eux  définit ses objectifs en tablant sur ses propres forces. «Nous préconisons l’approche rétablissement», précise Mme Leclercq, qui souhaite évidemment la pérennité du logement et du suivi clinique au terme du projet. Et même si on n’a pas commencé les analyses des résultats, le projet Chez Soi porte déjà ses fruits, comme ce participant qui, après quelques années dans la rue, est désormais concierge de l’immeuble où on lui a attribué son chez-soi.

* nom fictif