26-07-2011

Marie-Andrée Laplante, dir. Phobies-Zéro
Marie-Andrée Laplante, dir. Phobies-Zéro
Son coeur se démenait à un rythme effréné. Le souffle peinait à s’infiltrer dans sa gorge nouée. La promenade venait de virer au cauchemar. À 22 ans, une attaque cardiaque? Elle s’est engouffrée dans une pharmacie. Puis ce fut l’hôpital, la flopée de tests et le diagnostic… En santé!

Pourtant, le calvaire a perduré pendant plus de vingt ans, au point où 7 ans après le premier orage, Marie-Andrée Laplante vivait dans un cocon, seule avec son époux. Exit les amis, le travail et les sorties. C’est son cher mari qui a trouvé la clé de ses maux : l’agoraphobie.

Aujourd’hui, la dame de 67 ans raconte cet épisode de sa vie d’une voix posée, teintée d’un certain détachement. Car il lui a permis de fonder Phobies-Zéro en 1991, un organisme qui aide, encore  aujourd’hui, des centaines de personnes à émerger de la spirale des troubles anxieux.

«Phobies-Zéro  s’est donné comme mandat de briser l’isolement des personnes souffrant de troubles anxieux, de mettre  sur pied des groupes de soutien, d’entraide, d’accompagnement et d’information, signale Mme Laplante.  Nos services s’adressent également à la famille et aux proches, et nous collaborons aussi à la recherche dans ce domaine».

Alors que les « mystérieux assauts » persistaient, on ressassait qu’elle était en parfaite santé à chacune de ses visites médicales ultérieures. Elle a dû changer d’emploi à plusieurs reprises. Dix ans après la première attaque, son époux a déniché des informations au sujet de l’agoraphobie en fouillant des magazines américains. Armée de la quasi-certitude qu’elle était atteinte de ce trouble, Mme Laplante a  soumis cette hypothèse au médecin, aux psychologues et aux psychiatres qu’elle a ensuite consultés.  Peine perdue : on a simplement augmenté la dose de sa médication.

«J’ai commencé à faire des attaques à la maison et mon cercle d’amis a disparu», raconte-t-elle. C’est en confiant ses idées suicidaires à la  seule amie qu’elle n’avait pas perdue que la fondatrice de Phobies-Zéro a émergé de son cercle infernal:  une première sortie sur le balcon avec Lise l’a petit à petit ramenée sur le marché du travail et après une rechute, elle est retournée aux études et est même parvenue à goûter à nouveau au bonheur de voyager.

Conseils et victoires


L’étincelle qui créa Phobies-Zéro est apparue lors de la réunion du conseil d’administration d’un Centre de  femmes auquel Marie-Andrée Laplante assistait : après avoir écouté le récit de femmes aux prises avec  l’agoraphobie, elle a brisé, pour la première fois, le mur du silence qui voilait sa propre histoire. «Je leur ai offert l’aide que j’avais reçue de Lise.», ajoute-t-elle. Le premier groupe d’entraide est ainsi né en 1991 et la première réunion eut lieu en 1992, relate Mme Laplante, qui assure la coordination des groupes en plus  d’être agente de développement de l’organisme.

Aujourd’hui, Phobies-Zéro se décline en dix groupes de soutien disséminés dans quelques régions du Québec. Les réunions hebdomadaires sont source d’instruction tout autant que de réconfort et lieu d’exutoire : on présente les outils mis à la disposition des participants, en plus d’expliquer le processus de désensibilisation, après quoi on lance les discussions  avec thèmes imposés. «Le troisième volet est la période des victoires, ajoute Mme Laplante. On peut y  raconter qu’on a réussi à aller acheter du lait seul par exemple!».

Les participants peuvent en outre s’abreuver aux conseils judicieux de professionnels de la santé qui effectuent des visites ponctuelles aux réunions des groupes de soutien. Camillo Zacchia, Ph.D., psychologue et conseiller principal au  Bureau d’éducation en santé mentale de l’Institut Douglas, compte parmi ces conférenciers invités. Il est  vice-président du conseil d’administration de l’organisme et oeuvre également à titre de conseiller scientifique dans le cadre de projets de recherche impliquant Phobies-Zéro, tels que Zéro-ATAQ, un  programme d’auto-traitement avec pairs aidants.

«Ces organismes communautaires sont un peu la première ligne en santé mentale. Les ressources dans le privé coûtent cher. Et les troubles anxieux peuvent être faciles à traiter avec les services offerts par Phobies-Zéro. Mais ils ont besoin du soutien des experts  pour remplir leur mandat», explique Camillo Zacchia.

Une alternative complémentaire

L’oeuvre de Mme Laplante est une alternative complémentaire, renchérit Micheline Lapalme, psychologue et coordonnatrice intérimaire du Bureau de coordination de l’enseignement et de la formation (BCEF) au  Douglas et également membre du c.a. de Phobies-Zéro. «Nous avons d’ailleurs développé avec eux et ATAQ (Association des troubles anxieux du Québec) un programme d’auto-traitement avec pairs aidants.  Pour eux, c’est un rapprochement avec le milieu professionnel», souligne-t-elle.

Phobies-Zéro, dont une  parcelle des revenus provient du ministère de la Santé (l’autre part, soit 75 %, est assurée par les campagnes de financement), organise également des cafés-rencontres au cours desquels les personnes aux prises avec un trouble anxieux et provenant d’autres régions partagent leur chute ou leur rémission. Des intervenants bénévoles sont par ailleurs à l’écoute au téléphone cinq jours semaine. Activités sociales, formations, conférences : le «bébé» de Marie-Andrée Laplante est un adulte mature grâce à ses 90 piliers humains bénévoles et ses trois employés permanents qui le tiennent à bout de bras… et peinent à répondre aux appels à l’aide, se désole sa fondatrice. « Nous avons besoin de personnel additionnel et  nous voulons aussi créer d’autres groupes », précise-t-elle.

Car il faut tendre la main à ceux qui, à l’instar de cette jeune femme obnubilée par la peur de poignarder son bébé (phobie d’impulsion) ou de Liette, que l’agoraphobie a isolée pendant 20 ans, veulent prendre les armes contre leur ennemi : la peur. Comme Marie-Andrée Laplante, qui l’a terrassée. Son coeur ne s’en porte que mieux… tout comme son bonheur.