Entrevue avec Shelley Pomerance

20-03-2014


L’insomnie n’est pas nécessairement une mauvaise chose, selon Lynne McVey, qui en est atteinte sous une forme bénigne. «J’ai beaucoup de chance parce que je fais de l’insomnie entre 3 heures et 5 heures du matin, une ou deux fois par semaine.» Elle tire le meilleur parti possible de ces heures d’éveil. «C’est un moment magique, paisible, où je ne suis pas dérangée. J’en profite habituellement pour lire.»

Et c’est là la source de son inspiration : les livres.

Lynne McVey est directrice générale de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. En 2012, elle est devenue la première infirmière à occuper ce poste.

À son arrivée au Douglas, elle a découvert le partenariat qui existait entre l’Institut et Metropolis bleu. Cette collaboration entre un hôpital psychiatrique et un festival de littérature pouvait sembler insolite, mais pas pour Lynne McVey.

«J’ai consacré de nombreuses années à la mise sur pied d’un centre anticancéreux et aux soins aux patients atteints de cancer. Très souvent, nous apprenions par les médias que des personnes avaient surmonté le cancer, repris le cours de leur vie et étaient devenues des membres actifs de la collectivité. Alors qu’en santé mentale, à ce jour, on n’entend pas souvent la voix de patients qui sont rétablis.» Et elle mentionne que d’après la recherche, 83 % des articles publiés sur les problèmes de santé mentale ne comportent pas de citations de patients. Elle ajoute que le partenariat avec Metropolis bleu donne aux patients l’espoir de pouvoir lire et écrire et de s’exprimer dans le contexte de la littérature et des médias.

Mme McVey émaille sa conversation de titres de livres, dont la plupart ont trait à la santé et à la façon d’améliorer l’expérience des patients, tels que Is There No Place On Earth For Me (Y a-t-il une place sur Terre pour moi), de Susan Sheehan, qui a été publié en 1982 et qui a remporté le prix Pulitzer. Considéré comme l’une des œuvres non romanesques marquantes des 50 dernières années, ce livre fait maintenant l’objet d’une réédition. «Il s’agit d’une femme qui souffrait d’une forme grave de schizophrénie, et qui se décrivait elle-même comme une personne difficile, même dans ses meilleurs moments, mais qui était aussi brillante et éloquente lorsqu’elle n’était pas en crise, explique Mme McVey. Elle est morte à l’âge de 46 ans. Et elle affirmait que les choses n’avaient pas beaucoup changé pour ceux qui souffrent d’une grave maladie mentale. En fait, cela pourrait même être pire aujourd’hui.»

Ce livre a été envoyé à Mme McVey par la coprésidente du Comité des usagers du Douglas, qui a été créé pour que les patients puissent jouer un rôle actif dans le fonctionnement de l’hôpital.

«Cette femme, la coprésidente du Comité, me rappelle constamment que notre société et notre système de soins de santé stigmatisent les patients et qu’en tant que société, nous n’avons pas consacré suffisamment de fonds à la recherche pour trouver des remèdes destinés aux personnes qui souffrent de formes graves de maladies mentales, et pour améliorer leur qualité de vie. Et il n’y a pas de lieu où nous pouvons aborder ces questions.»

Pour Mme McVey, le partenariat avec Metropolis bleu constitue l’exemple parfait d’une organisation communautaire qui ouvre ses portes aux patients atteints de maladie mentale. Elle décrit une autre patiente, une jeune femme qui désire écrire et être publiée et qui, lorsqu’elle a assisté à un événement où l’on annonçait la collaboration entre l’Institut Douglas et Metropolis bleu, y a trouvé l’inspiration pour écrire deux nouvelles. «Tout à coup, nous établissons un lien entre le rétablissement d’une maladie mentale et le milieu artistique, le monde littéraire. C’est là que la magie peut opérer, que les possibilités peuvent voir le jour, que le chemin de la guérison peut apparaître et que les patients rétablis peuvent s’exprimer.»

Passant à un autre sujet et à un autre livre inspirant qui a aussi remporté le prix Pulitzer, L’empereur de toutes les maladies, de Siddhartha Mukerjee, Mme McVey le décrit ainsi : «C’est une histoire sur la façon dont nous avons trouvé des traitements qui ont transformé le cancer d’une sentence de mort à une maladie chronique. Nous avons une nouvelle prophétie à écrire à propos de la maladie mentale. Nous avons environ 60 ans de retard, mais l’avenir réside dans le dialogue à propos d’un remède, à propos de nouveaux traitements qui peuvent prévenir la psychose, qui peuvent prévenir la maladie mentale grave et la dépression profonde.» Elle explique que la recherche effectuée à l’Institut Douglas en épigénétique permet aux scientifiques d’isoler des marqueurs biologiques et psychosociaux chez les enfants et les adolescents, en vue de découvrir ceux qui sont à risque et de prévenir la maladie mentale.

«Je crois fermement qu’il faut travailler sans relâche à la réalisation de nos espoirs, déclare Mme McVey, juste au cas où cela n’aurait pas été encore tout à fait clair. Venant d’elle, les mots «sans relâche» ont quelque chose d’admirable. Et elle offre un autre titre de livre pour illustrer sa pensée : «Jim Collins a écrit une monographie intitulée Good to Great and the Social Sectors…. (De la performance à l’excellence et les secteurs sociaux).»

Lynne McVey : une éternelle optimiste.

Recommandations de lectures de Lynne McVey

  • Is There No Place on Earth for Me? (Y a-t-il une place pour moi sur Terre?) (en anglais) par Susan Sheehan
  • L’empereur de toutes les maladies : une biographie du cancer  par Siddhartha Mukerjee (Flammarion)
  • Good To Great And The Social Sectors (De la performance à l’excellence et les secteurs sociaux) (Harper Business)

Pour les enfants : 

  • The White Stone in the Castle Wall (La pierre blanche dans le mur du château) (en anglais) (Tundra) par Sheldon Oberman, illustrations de Les Tait


Cet article a été produit et écrit par Shelley Pomerance